Epp Fingninkanmè – Un exemple d’appropriation communautaire du programme des cantines scolaires à Dangbo

Depuis 2017, le Programme alimentaire mondial (Pam) au Bénin apporte son expertise au Gouvernement dans la mise en œuvre du programme des cantines scolaires. Dans ce programme qui engage plusieurs acteurs, les communautés bénéficiaires à la base ont un rôle à jouer pour rendre l’expérience des cantines scolaires durable dans le temps. Exemple d’appropriation communautaire vu à l’Ecole primaire publique de Fingninkanmè dans la commune de Dangbo.

Une vue du réfectoire de la cantine scolaire de l’Epp Fingninkanmè. Photo: Jonas H.

Quatre ans après l’initiative du Programme national d’alimentation scolaire intégré (Pnasi), obtenir un repas chaud à l’école est une réalité pour plus de 650,000 enfants dans les écoles primaires publiques au Bénin. Aujourd’hui, l’objectif est de travailler à la durabilité du programme dans le temps. Pour y arriver, chaque acteur impliqué a une partition à jouer. Les communautés bénéficiaires ont leur part d’engagement pour pérenniser le programme. Cela part déjà de la mobilisation communautaire autour des écoles bénéficiaires. A l’Epp Fingninkanmè dans la commune de Dangbo, « je peux vous dire que nous avons une communauté très engagée au côté de la cantine scolaire » témoigne le directeur Dah Kindji Pierre.

L’Epp Fingninkanmè est l’une des 53 écoles primaires publiques bénéficiaires de cantines scolaires dans la commune de Dangbo (département de l’Ouémé). Dans le village de Fingninkanmè, « on ne s’amuse pas avec la cantine » comme le raconte le président de l’association des parents d’élèves Roger Tossou « parce que nous voulons que nos enfants mangent chaque jour à l’école ». Ce désir collectif né de la prise de conscience de l’impact des repas scolaires sur le bien être des enfants est le déclic qui soutient la relation entre la communauté, l’école et la cantine scolaire à Fingninkanmè. « Quand on parle de la cantine, c’est une communauté qui est prête à travailler pour que cela marche » confirme Dah Kindji Pierre.

Dah Kindji Pierre, directeur de l’Epp Fingninkanmè. Photo: Jonas H.

Quand la cantine scolaire est arrivée à l’Epp Fingninkanmè, les parents ont saisis cela comme une opportunité. « Quand les enfants mangent à l’école, ils ne rentrent plus à la maison. Ils se reposent à l’école et ne rentrent que le soir. Cela aide les parents à vaquer à leurs occupations sereinement car ils savent que leurs enfants auront le repas de midi à l’école »  argumente Roger Tossou, le président de l’association des parents d’élèves. A partir de là, les parents ont compris leur part de responsabilité pour soutenir la cantine dans le but de la maintenir opérationnelle car une part du devoir familial est assurée directement à l’école. Ils ont « décidé que les enfants ne rentrent plus à midi » et sont « toujours disposés à accompagner les activités liées à la gestion de la cantine scolaire. Ici, les parents accompagnent la cantine de toutes les manières » souligne Fernando Ahissou, superviseur des activités des cantines scolaires à Dangbo.

Pour manifester leur intérêt pour la cantine, la communauté de Fingninkanmè s’est résolue à apporter des dons en nature en complément au panier du Programme alimentaire mondial (Pam). « Notre contribution est que nous apportons les bois de chauffe, les noix de palme pour la sauce, le poisson, les condiments, les légumes que nous produisons nous même » raconte le président de l’association des parents d’élèves. Roger Tossou partage aussi que le village dispose d’un champ dédié aux enfants où ils cultivent « du maïs, du manioc, de la patate, le taro, le piment » pour offrir une variété de repas aux enfants à la cantine.

A Dangbo, l’Epp Fingninkanmè dispose d’une cantine moderne, fruit de l’engagement de sa communauté. En effet, elle est l’une des 20 écoles couvertes par le partenariat Pam-Choithrams, un partenariat qui apporte dans les écoles bénéficiaires du programme des cantines scolaires un réfectoire, une cuisine, un jardin, un moulin, un forage et un appui aux activités génératrices de revenu aux femmes de la communauté. « Je peux vous dire que c’est grâce à cette communauté que nous avons eu ça » témoigne le directeur Pierre Dah Kindji.

Une femme produit de la farine de manioc (gari) à l’Epp Fingninkanmè le 11 juin 2021. Une partie du gari revient à la cantine. Photo : Bismarck Sossa

Les femmes soutenues par ce partenariat sont un soutien pour la cantine. Réunies au sein d’une association, elles assurent la préparation des repas à la cuisine et mènent des activités génératrices de revenu pour soutenir la cantine scolaire. Elles sont dans la transformation agricole et une partie de leurs productions revient à la cantine sous forme de don en nature. C’est pourquoi le directeur de l’Epp Fingninkanmè pense que dans les communautés peu engagées, une fois que « les parents comprennent l’importance des cantines scolaires dans les écoles, cela nous aide beaucoup ».

Au centre d’une communauté engagée, un élu local convaincu de l’importance de la cantine scolaire

Derrière l’engagement de la communauté de Fingninkanmè se trouve un élu local convaincu par l’importance de la cantine scolaire pour les enfants du village. George Montcho, le chef de village de Fingninkanmè est une sorte de commandant au milieu de la communauté résolument tournée vers la protection de la cantine. Malgré son âge avancé, il se tient prêt pour toutes initiatives qui visent la cantine. Le directeur de l’Epp Fingninkanmè raconte qu’il y a deux ans, « des cambriolages ont été opérés dans presque toutes les écoles de l’arrondissement de Zounguê sauf dans mon école parce que la communauté a décidé de ne pas stocker les vivres à l’école mais chez le chef de village ». Autrement, cet élu local s’est rendu disponible pour sécuriser les vivres destinés à l’alimentation des enfants de son village. « J’ai fais le sacrifice de laisser une de mes chambres pour servir de magasin pour les vivres » répond George Montcho qui se dit « très heureux quand les enfants mangent à l’école ».

George Montcho, chef de village de Fingninkanmè. Photo : Bismarck Sossa

« Si la cantine doit bien fonctionner, c’est d’abord les autorités. Le maire, les chefs d’arrondissement, les conseillers de village. Il faut que ceux là soient imprégnés de l’importance de la cantine » pense le directeur de l’Epp Fingninkanmè. C’est ce qui fait la force de la cantine de son école car le chef de village est un élu convaincu de la place de la cantine au sein de la communauté et apporte son soutien aux activités. George Montcho partage qu’il se « sert des griots pour convoquer des réunions avec le village ». A ces réunions,  « je leur explique que la  cantine scolaire est une aide pour nos enfants et que nous devons apporter notre contribution pour le garder » souligne le chef de village.

Lorsqu’un élu local est convaincu de son rôle pour la réussite du programme des cantines scolaires, sa voix, son influence et son leadership sont des atouts pour la mobilisation communautaire. Il peut sensibiliser et fédérer sa communauté autour de la cantine. Pour exemple, le superviseur Fernando Ahissou se rappelle que « lors de la construction du réfectoire de l’Epp Fingninkanmè, c’est le chef de village qui a mobilisé la communauté à l’école pour les travaux de remblayage ». Il est d’ailleurs convaincu que la présence des élus aux côtés des acteurs à la base est importante. « S’ils appuient les acteurs qui sont sur le terrain, c’est-à-dire les médiateurs et les superviseurs, ce sera un atout » justifie le superviseur.

Roger Tossou, président de l’association des parents d’élèves de l’Epp Fingninkanmè. Photo: Bismarck Sossa

« Il peut arriver qu’un jour le programme s’arrête. Ce que nous avons appris à faire pour supporter la cantine peut nous aider à continuer de nourrir nos enfants à l’école » estime le président de l’association des parents d’élèves de l’Epp Fingninkanmè. Dans l’idéal, c’est à cette conclusion que chaque communauté bénéficiaire du programme des cantines scolaires doit arriver. S’approprier le programme, prendre conscience de leurs rôles et responsabilités, pour qu’à long terme, elles peuvent partir des expériences actuelles pour pérenniser les cantines scolaires pour les générations à venir.

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