Au-delà du coton, le PAM intègre les petits producteurs à l’école du Système agroforestier et agroécologique (SAFA)
Du 5 au 10 février 2023, une délégation brésilienne de sept membres issus du Centre d’excellence pour la lutte contre la faim du Programme alimentaire mondial au Brésil (CoE PAM), de l’Université fédérale de l’Etat de l’Ouest de Bahia (Ufob) et de l’Agence brésilienne de coopération (ABC) était au Bénin dans le cadre du projet « Beyond Cotton ». Une mission conjointe avec la Cellule technique de suivi et d’appui à la gestion de la sécurité alimentaire (CT-SAGSA) du Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche conduite au niveau local par l’équipe du projet « Beyond Cotton » au bureau du Programme alimentaire mondial au Bénin. Retour sur les moments forts de découverte, d’échanges, de partage d’expériences et de renforcement de capacité au contact des petits producteurs agricoles et acteurs à la base du programme des cantines scolaires dans le nord du Bénin.
Situé a plus de 475 kilomètres de Cotonou, c’est à Copargo dans le département de la Donga que la délégation brésilienne a déroulé l’agenda de sa mission. Entre le site de la Coopérative des producteurs maraichers de Kpandri et l’école primaire publique de Kpandri dans le village de Katabam, petits producteurs, techniciens agricoles, étudiants en agronomie, cuisinières, médiateurs et superviseurs de cantines scolaires sont impactés par les connaissances partagées par la mission brésilienne durant son séjour.
Deux activités majeures ont mobilisé une cinquantaine de personnes. Une formation des agriculteurs sur l’installation et la gestion d’un système agroforestier et agroécologique (Safa) et une formation de renforcement des capacités sur les bonnes pratiques alimentaires au profit des acteurs impliqués dans le fonctionnement des cantines scolaires à la base notamment les cuisinières, médiateurs, superviseurs et enseignants d’école à cantine.
Les petits producteurs agricoles à l’école du Système agroforestier et agroécologique (Safa)
C’est sur le site de la Coopérative des producteurs maraichers de Kpandri qu’une vingtaine de petits producteurs, d’étudiants en agronomie et de techniciens de la Cellule communale de l’Agence territoriale de développement agricole de Copargo a pris rendez-vous avec le Professeur Mario Albertos Dos Santos de l’Université fédérale de l’Etat de l’ouest de Bahia. Mario, très passionné par les questions d’agriculture travaille sur le système agroforestier et agroécologique (Safa) depuis plus de cinq ans au Brésil. « Le Safa est un système qui vise à améliorer les conditions de travail et l’augmentation de la productivité, de la diversité et de l’écologie sur les champs qui seront cultivés » explique le Professeur. Pendant trois jours, il a partagé in situ avec ses étudiants de circonstance les fondamentaux du Safa et comment cette méthode peut aider à améliorer les pratiques culturales au niveau des producteurs tout en donnant une plus-value à leurs activités agricoles.
L’idée de former les petits producteurs de Kpandri sur l’installation et la gestion d’un système agroforestier et agroécologique est de partir d’un exemple pilote pour aboutir à la mise en place de jardin communautaire pour la production d’aliments frais, biologique et à haute valeur nutritive pour la consommation. Au Bénin, le projet « Beyond Cotton » associe la production locale au programme d’alimentation scolaire et entend renforcer les achats locaux auprès des petits producteurs pour les écoles à cantine scolaire. « Qui dit acquisition, dit production. Il faut que la production soit disponible en quantité et en qualité » commente Dominique Dèdègbé, chef de la Cellule technique de suivi et d’appui à la gestion de la sécurité alimentaire (CT-SAGSA), une structure technique du Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (Maep). Le Safa comme pratique agricole justifie Dominique va « aider les petits producteurs à améliorer leur productivité afin de livrer les cantines scolaires de façon locale. C’est-à-dire, une acquisition de proximité, une livraison de proximité ».
Pour faire simple, la technique du Safa repose sur une protection du sol contre le soleil en améliorant sa fertilité par des matières organiques. Cette technique offre aussi l’avantage de produire différentes spéculations sur la même exploitation agricole sans intervention d’engrais chimique. « Ce qui est important dans un Safa, c’est de penser à une restauration agroécologique qui va être initier avant tout par une restauration d’un élément fondamental qui est la restauration du sol » explique le Professeur Mario Albertos Dos Santos.
Dans la pratique, le producteur d’une exploitation agricole qui utilise le Safa valorisera les matières végétales pour la fertilisation du sol. Il utilisera pour exemple les feuilles de manguiers, de bananiers, d’avocatiers, de tournesol mexicain, d’eucalyptus pour couvrir le sol afin de créer un équilibre et une autosuffisance qui ne nécessitera pas l’apport d’engrais chimique dans le processus de développement d’une plante. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un système clé en main car il est utilisé au Brésil depuis plus de 40 ans, le Safa « est vraiment adapté pour le petit producteur qui pourrait vraiment rentabiliser son compte d’exploitation s’il s’investissait dans cela puisqu’il va utiliser moins d’intrants, va travailler moins le sol, donc va économiser de la main d’œuvre pour faire autre chose » argumente Dominique de la CT-SAGSA. Il est dit que dans un système Safa, l’on dédie 5% des efforts au semis et 95% à la gestion de l’exploitation.
De la théorie en salle à la pratique sur site, les participants ont vu à l’œuvre l’équipe brésilienne dans la mise en place réelle d’une surface basée sur le Safa. Le Professeur Mario ou encore le chef de la délégation Joelcio Carvalho du Centre d’excellence de lutte contre la faim du PAM au Brésil se sont mis au niveau des producteurs pour comprendre leurs pratiques et leur apporter l’expertise pour améliorer les aspects qui annihilent le résultat de leurs efforts.
Une visite pédagogique dans une plantation de bananiers a permis aux apprenants de prendre conscience du nombre de pieds de plant par poquet, comment entretenir les plants de bananier et action à entreprendre contre les attaques de prédateurs. « Il y a beaucoup de choses qu’on ignorait et qu’on faisait d’une manière aveugle mais aujourd’hui avec les explications que les formateurs ont données, je pense que si on met en application, d’ici un à deux ans, on sera bien ici » apprécie Fousséni Yaro, producteur et président de la Coopérative de Kpandri.
La mise en place de système d’irrigation, couverture végétale d’une surface cultivable à partir de débris de bananiers, mise en place de semis…Yaro Fousséni estime que c’est une pratique très naturelle qui conscientise un producteur. « Les premières démonstrations montrent qu’effectivement il y avait quelque chose qu’on a oublié. Il avait des pratiques qu’on menait et je vois ce n’était pas bien » soutient le président de la Coopérative des producteurs maraichers de Kpandri. « Cette formation nous a beaucoup apporté ! » ne peut qu’exclamer Gnony M’Bati Amira, productrice de riz et de soja, membre de la même coopérative.
Sur le site de la coopérative de Kpandri, plus de 57 petits producteurs et productrices y travaillent sur différentes spéculations. L’espoir est que les bénéficiaires de la formation sur le Safa puissent induire un changement dans la rentabilité et qualité de leur production à partir des connaissances acquises pour susciter de leurs pairs la curiosité et l’adoption de cette pratique écologique. « Nous avons énormément d’attentes et d’espoir par rapport aux personnes qui ont participé à la formation parce qu’effectivement ces gens ont montré énormément d’engouement, d’enthousiasme à travers les échanges que nous avons eu. On a eu énormément de résultats intéressants au Brésil et nous espérons pouvoir faire en sorte que le système Safa puisse porter ses fruits également en terre béninoise” a confié le Professeur Mario Albertos Dos Santos.
Pour savoir un peu plus sur le projet « Beyond Cotton »
Le projet « Beyond Cotton » ou Alternatives pour la valorisation des sous-produits du coton et ses cultures de rotation cotonnière en Afrique est appuyé par le Centre d’excellence de lutte contre la faim du Programme alimentaire mondial au Brésil. Il a pour objectif d’aider les petits producteurs de coton et les institutions publiques de quatre pays africains (Bénin, Mozambique, Tanzanie et Kenya) à
- Commercialiser les sous-produits du coton et les produits issus de la rotation cotonnière dans les exploitations agricoles (maïs, sorgho, niébé, légumes, arbres fruitiers…)
- Améliorer la production, les revenus et la sécurité alimentaire et nutritionnelle des petits exploitants agricoles
Au Bénin, le projet « Beyond Cotton » vise, par le biais de la coopération Sud-Sud, à aider les petits producteurs à valoriser les cultures vivrières (maïs, niébé, riz, sorgho, soja…) qui entrent dans la rotation cotonnière. Il entend aussi associer la production locale au Programme d’alimentation scolaire et renforcer les politiques d’achat public des produits locaux et les stratégies de commercialisation.