Henriette Goussikindey : la religieuse qui vénère le pinceau et les couleurs
Des toiles chaleureuses et sympathiques arpentent les murs de la galerie Ludovic Fadaïro du centre culturel Artisttik Africa depuis le 23 décembre 2016. Elles portent la marque de Sœur Henriette Goussikindey qui de son pinceau procrée l’espoir d’un monde équilibré. L’exposition dénommée « Identité et Missions » est en cours jusqu’au 23 février prochain. Reportage de notre contributeur Eric Azanney.
Une quarantaine d’œuvres qui communiquent de commodes vibrations tant par les couleurs que par les thématiques. Et des thématiques qu’on peut relever de ces œuvres, une s’installe au centre, se faisant omniprésente. La maternité !
Aux murs et sur les cloisons de la galerie, on voit la femme nourrice, la femme éducatrice, la femme travailleuse, la mère porteuse, la femme pilier dans la famille. L’artiste c’est Henriette Goussikindey, religieuse de la congrégation des sœurs de Saint Augustin du Bénin. La curiosité d’en savoir sur les motivations qui sous-tendent le travail de cette plasticienne est d’autant plus logique que, l’artiste, au plan social, n’est pas promue à ces réalités qu’elle peint.
C’est peut-être la manière de la sœur Henriette de vivre cette réalité de la vie de femme ne serait-ce que psychologiquement. Mais c’est au moins certain que l’artiste se sent interpellée par le statut donné aux êtres vulnérables mais incontournables pour l’équilibre que sont la femme et l’enfant dans nos sociétés.
J’ai compris qu’on ne peut pas vivre et être insensible aux maux des femmes, à ce que vivent les enfants de la rue. Je suis touchée par tout ça et j’invite chaque femme à jouer son rôle de mère, d’éducatrice, de pilier dans la famille. »
Sur 39 toiles dénombrées, 32 présentent la figure de l’enfance et celle de la maternité mais surtout sous de beaux auspices. Quand on sait que la vie réelle autour de nous offre relativement un autre tableau, avec des mères qui peuvent déléguer leurs responsabilités, jusqu’à celle la plus primordiale, à un tiers ou carrément démissionner; des enfants qui sont abandonnés ou ceux qui sont trop tôt livrés à eux-mêmes ; des femmes qui subissent la violence, on remarque la positive fuite en avant frappée d’optimisme, dans ces œuvres. Voilà qui dévoile le futurisme et l’esthétique allant avec chez Henriette Goussikindey. Parlant d’esthétique, son travail rappelle bien de grands mouvements et artistes ayant marqué l’humanité.
De l’impressionnisme au futurisme passant par le cubisme
La sœur Henriette a commencé avec l’acrylique. Ensuite, la terre rouge va l’inspirer en constituant pour elle une technique. Les œuvres de cette exposition « Identité et Missions » sont issues d’une démarche de peinture au couteau, avec une technique mixte.
La force des couleurs (chaudes et froides) donne l’effet lumière cher à l’impressionnisme, concédant ainsi à ces œuvres leur cachet impressionniste voire pointilliste par endroit (entre autres, l’œuvre « Ko nan gnan »). On pense à « La fillette à la gerbe » d’Augustin Renoir ou « Le bassin aux Nymphéas » de Claude Monet devant « Mère et enfants » d’Henriette Goussikindey. Et s’il est un aspect qui captive l’attention à la visite de cette exposition, c’est la représentation géométrique et fragmentée sur les toiles avec un fond chromatique.
C’est comme si l’artiste peignait les fragments du réel qu’elle aurait souhaité ou comme si elle multipliait les angles de vue de ce même réel. On remarque aussi des collages de pagnes sur certains tableaux. La sœur Henriette emprunte fort au cubisme (peut-être pas à dessein) et on ne peut s’empêcher de se rappeler le chef de file Picasso.
La Béninoise avec « Les amazones de l’ombre », par exemple sera juste optimiste plutôt qu’acerbe comme l’Espagnole dans « Les demoiselles d’Avignon ». Ce qui peut être compris quand on considère la présence de l’enfant et la femme tels que les deux êtres sont vus et peints par Henriette Goussikindey : l’incarnation du futur de l’humanité. L’équilibre du monde en dépend et il faudra donc bien en prendre soin.
Le mouvement du futurisme ayant reçu bien d’influences du cubisme surtout au plan esthétique, on se délecte du bonheur qu’offre cette exposition dans la galerie Ludovic Fadaïro. Tant l’esthétique du travail puise à toutes les sources. On est tenté de loger la plasticienne béninoise au diapason des grands noms de l’art figuratif et celui moderne de l’histoire.
Henriette Goussikindey, l’art et la foi
C’est en 1995, à la faveur d’une exposition collective qu’elle s’est révélée et, après, beaucoup d’expériences au plan national et international vont suivre. Ce n’est pas fréquent de rencontrer des religieuses dans l’art plastique au Bénin. Cela va sans dire, mais la Sœur Henriette s’impose de plus en plus. C’est à se demander comment arrive-t-elle à combiner les deux. Certes, ce qui s’observe dans ses œuvres ne s’éloigne pas des prescriptions bibliques mais on en sait davantage quand on s’informe sur la congrégation des sœurs de Saint Augustin du Bénin à laquelle elle appartient.
Les sœurs de Saint Augustin se sentent appelées à vivre la charité par la sanctification et la promotion intégrale de l’homme, surtout de la femme […]. Leur action vise surtout à la formation de la femme, l’action sociale au service de l’enfance défavorisée. La spiritualité des sœurs de Saint Augustin du Bénin est basée sur l’unité et la famille…
Voilà qui pourrait aussi justifier l’ « identité » et la « mission » de la sœur Henriette.
Par Eric Azanney
Lire la version originale de cet article sur : https://ericazanney.wordpress.com/2017/01/26/avec-son-exposition-la-soeur-henriette-procree-lespoir/
NB : Le titre est de la rédaction de mamabenin.com